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1 décembre 2014 1 01 /12 /décembre /2014 21:40

 

Durant cette conférence, nous avons entendu à plusieurs reprises les mots « développement » (tatawwur), « progrès » (taqaddum), « renouvellement » (tajdîd) et « renaissance » (nahda), et sans doute n'est pas une perte de temps de marquer une pause et d'examiner ce qu'ils signifient. « Développement » veut dire s'éloigner des principes, et bien qu'il soit nécessaire de s'éloigner d'une certaine distance des principes pour en faire des applications, il est d'une importance vitale de rester suffisamment près pour que le contact avec eux soit pleinement efficace. Le développement ne doit par conséquent jamais aller au-delà d'un certain point. Nos ancêtres étaient particulièrement conscients que ce point périlleux avait été atteint en Islam il y a des siècles ; et pour nous qui sommesbien plus éloignés dans le temps qu'ils ne le furent de la communauté idéale du Prophète et de ses Compagnons, le danger est d'autant plus grand. Comment nous permettre de ne pas être sur nos gardes ? Comment nous permettre de ne pas vivre dans la crainte d'augmenter la distance qui nous sépare des principes jusqu'au point où le développement se mue en dégénérescence ? Et en effet, on peut à bon droit se demander si la plupart des choses qui l'on assimile fièrement aujourd'hui à du développement ne sont pas en fait de la dégénérescence.

Quand au terme « progrès », toute personne devrait espérer progresser, et c'est là le sens de notre prière guide-nous sur la voie de la transcendance. On pourrait employer le terme « développement » dans le même sens positif quand il s'agit d'individus. Mais les communautés ne progressent point ; si elles le firent, quelle communauté était la mieux qualifiée pour progresser que la première communauté islamique dans tout l'élan de sa jeunesse ? Or le Prophète a dit : « Les meilleurs des hommes sont ceux de ma génération puis ceux qui les suivent, puis ceux qui suivent ces derniers. » Et il nous faut conclure du Coran qu'avec le passage des siècles un durcissement général des cœurs est inévitable, car il dit à propos des gens d'une communauté que ceux-ci avaient vu passer le temps avec langueur[et que] leurs cœurs s'étaient endurcis(Coran : 57,16) ; cette même vérité ressort également de ce que le Coran dit à propos des élus, à savoir qu'ils seront très nombreux parmi les premières générations et peu nombreux parmi les dernières(Coran 56, 13-14). L'espérance des communautés doit donc résider, non dans le « progrès » ou le « développement », mais dans le « renouvellement », c'est-à-dire la restauration. Le terme « renouvellement » a été employé jusqu'ici, au cours de ce congrès, surtout comme un synonyme plutôt vague de « développement », mais dans son sens traditionnel, apostolique1, le renouvellement est le contraire de développement, car il signifie la restauration d'un élément de la vigueur primordiale de l'Islam. Le renouvellement est donc, pour les Musulmans, un mouvement de retour, c'est-à-dire un mouvement vers l'arrière et nom vers l'avant.

Quant au terme de « renaissance », on pourrait en soi l'employer dans le même sens que « renouvellement », mais il comporte des associations d'idées très fâcheuses, car le mouvement qu'on appelle la Renaissance européenne ne fut rien d'autre, si nous l'examinons soigneusement, qu'un renouvellement du paganisme de l'ancienne Grèce et de Rome ; et cette même « Renaissance » marque la fin de la civilisation chrétienne traditionnelle, et le début de cette civilisation moderne matérialiste. La « renaissance » dont on dit maintenant qu'elle s'établit dans les États arabes est-elle différente de celle-là, ou est-elle du même genre.

 

Martin Lings, Retour à l'esprit, p. 106-112


1Le Prophète a dit : « Dieu enverra à cette Communauté au début de chaque siècle, quelqu'un qui renouvellera sa religion. » (Abû Hurayra)

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