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28 octobre 2013 1 28 /10 /octobre /2013 20:56

 

    A l'une de ces occasions, en janvier 1993, à la fin des rites du Petit Pèlerinage ('Umra), il priait avec un petit groupe d'amis devant la porte de la Ka'ba, parmi des milliers d'autres pèlerins. C'étaient nos dernières suppliques personnelles, quand elles furent brutalement interrompues par les ordres agressifs d'un fonctionnaire saoudien (mutawwa'). Il criait : « Yallâh, yallâh(avancez, avancez) » et, avec son équipe de fonctionnaires, il tentait de libérer l'Enceinte sacrée pour la nettoyer ; et ils utilisaient une corde pour refouler tous les pèlerins de plus en plus loin de la SainteMaison. Quand notre petit groupe prit conscience de ce qui se passait, nous avons commencé à reculer avec les pèlerins qui s'éloignaient par vagues. Cheikh Abû Bakr, cependant, ne bougeait pas. Il était trop absorbé dans ses prières pour remarquer – ou pour avoir envie de remarquer – ce qui se passait autour de lui. Immobile dans la position de la prière, les mains ouvertes devant lui, les yeux clos, les lèvres qui remuaient à peine, son calme extérieur témoignait de manière éloquente de sa concentration intérieure. Mais le fonctionnaire, insensible à ce qui nous paraissait si éloquent, vociférait contre Cheikh Abû Bakr, irrité par ce qui lui paraissant une insoumission obstinée : « Yallâh, yallâh ! ». Nous étions bien évidemment outrés, et sur le point de protester contre ce comportement, quand j'entendis Cheikh Abû Bakr murmurer le Nom divin à voix très basse : « Allâh, Allâh, Allâh », puis ouvrir les yeux, regarder le fonctionnaire droit dans les yeux, et dire d'un ton indigné mais tempéré par son sens de l'objectivité : « Je suis vieux, je suis venu de l'Angleterre pour prier ici, à la Ka'ba, et tout ce que vous savez faire c'est crier yallâh, yallâh contre moi ? ».

    Ce fut comme si le mutawwa'avait été frappé par un éclair. Il resta figé sur place, cloué au sol par la force spirituelle qui se dégageait de toute la fragile personne du petit vieillard qu'il avait devant lui. Bien qu'hypnotisé, il ne lui fallut qu'une seconde pour lever la corde qui était entre lui et le Cheikh, et l'escorter – mieux, presque le porter – tout droit jusqu'à la Pierre Noire, maintenant libérée de tous ces milliers de pèlerins qui réclamaient à grand cris de pouvoir la toucher. Et là, tout seul,Cheikh Abû Bakracheva calmement ses prières. En revoyant maintenant cet incident, il me semble que c'était comme si la puissance du Nom divin avait porté ce saint homme jusqu'à l'endroit le plus saint de la Sainte Maison. Le magnétisme du Centre avait attiré à soi l'homme qui était, par l'invocation du Nom divin, devenu lui-même un centre.

Reza Shah-Kazemi en Préface à La Mecque, Des origines à nos jours, Martin Lings (Cheikh Abû Bakr Sirâj al-Dîn)

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